L’autre jour, coincée dans les bouchons parisiens, je me suis prise à observer tout ce qui bougeait : les passants, les vieux, les jeunes, les « entre-deux ». Une chose m’a frappée : tous étaient « gris », tristes, fringués de la même manière. À l’heure où l’on parle de ramener les uniformes à l’école, eh bien, cela commence dans la rue, où tout le monde se ressemble.
Je me souviens de ma surprise, au Salon du Livre de Vence, à la fin de l’été, où toutes les femmes ou presque arboraient des robes colorées.
Est-ce juste l’apanage de Paris, d’être triste ? Non, ce phénomène se reproduit partout. Alors que nous sommes en pleine inflation, que certains sautent un repas, ces propos sur l’apparence vestimentaire pourraient vous paraître futiles. Il n’en est rien, car c’est le reflet d’une société où l’individualisme ne se cultive plus dans les jardins, où l’originalité se tapit dans l’ombre, où l’on aseptise tout, même le contenu des livres, pour ne pas déplaire, pour ne pas effrayer.
Pensées émues pour Ian Fleming et Agatha Christie, qui ne peuvent plus se défendre et n’ont fait que décrire le reflet de la société de l’époque.
Allons-nous réécrire l’histoire, aussi ?
Déjà que lorsque qu’un auteur cède son texte à un éditeur, il en prend pour soixante-dix ans, au-delà de sa mort ! Si en plus de cela, on dénature son texte et le fil de sa pensée, ça ne va plus.
Prenons garde de ne pas tomber dans le piège d’une société aseptisée, sans saveur, où il est interdit de dire, où l’on n’ose plus fouler les pelouses interdites.
Peut-être certains d’entre vous, nés après 1968, ne connaissent pas le vieux slogan de cette année-là : « Il est interdit d’interdire » !